Pierre
Agrit fait les cents pas. Le vol Sydney-Paris à une heure de retard, et
évidemment, aucune explication. Pour tromper son impatience, il sort la revue
économique qu’il avait placée dans son attaché-case et s’installe en
ronchonnant sur l’un des sièges inconfortables de l’aéroport. Son esprit
n’arrive pas à se fixer sur ce qu’il lit. Il repense aux jours qui ont précédés
son départ pour l’Australie. Il s’était
disputé avec Mathilde, sa femme, car elle ne voulait pas décaler son départ
pour Toulouse de quelques jours, juste le temps pour lui de revenir de son
voyage d’affaire. Elle était partie sans un regard en arrière, sa petite valise
sous le bras, arguant qu’après ce voyage, il trouverait une autre raison pour
qu’elle ne parte pas et qu’il pouvait bien se débrouiller seul quelques temps. Tout
en montant dans la Volvo de sa sœur Rosanne, elle avait finit sa diatribe sur le
fait que le monde n’allait pas s’écrouler pour autant. Mais que lui
prenait-il ? C’était bien la première fois que la douce Mathilde
s’opposait à lui. Il était persuadé que Rosanne, la sœur de Mathilde l’avait
montée contre lui. Et puis tout ça s’était la faute de Geneviève, sa belle
mère. On n’avait pas idée de monter sur une chaise, à son âge, pour changer
l’ampoule de la cuisine. Résultat couru d’avance : chute, ambulance,
fracture du crane, coma et
hospitalisation. Pourquoi fallait-il qu’elle aille là-bas ? Sa mère ne
saurait même pas qu’elle est là, alors que lui si ! Il avait dû se
débrouiller seul pour faire sa valise et avait faillit louper son vol.
Heureusement il n’avait pas fait cent mètre, qu’il s’était rendu compte qu’il
oubliait billet d’avion et passeport. Une fois arrivé à Sydney, il avait
faillit hurler en voyant l’état de ses chemises. Il n’était visiblement pas
douer pour faire sa valise. Il avait contacté Mia, sa maitresse, dans l’espoir
qu’elle règlerait le problème à coup de fer à repasser, mais cette dernière
n’avait rien trouvé de mieux que de partir surfer à Bells Beach. Il s’était
donc retrouvé avec une facture de pressing impressionnante. Et pour couronner
le tout, son voyage professionnel s’était couronné par un échec. Cela ne
pouvait pas être pire. Et bien il s’était trompé.
Cela faisait maintenant plus d’une heure qu’il attendait son avion de retour. Enfin, une voix suave annonça que son avion était sur le départ. Pierre se dirigea vers la porte d’embarquement, bousculant plusieurs personnes au passage. A peine monté dans l’avion, il ragea contre les incompétents qui ne savaient pas faire leur boulot. Il avait demandé une place coté fenêtre, ce n’était quand même pas difficile à trouver, et le voila coté allée, où il serait bousculé par tout les emmerdeurs qui ne savaient pas rester tranquille sur leur siège ! Après avoir obtenu gain de cause, Pierre passa le vol à s’apitoyer sur son sort et à ruminer l’accueil qu’il allait réserver à sa femme. Arriver à Paris, après avoir récupéré ses bagages sur le tapis roulant, il fonça vers le parking, en priant pour que sa voiture soit encore là. D’habitude, c’était Mathilde qui le déposait et passait le reprendre à l’aéroport. Elle l’attendait patiemment avec une chemise et un costume propre, le déposait à son boulot où il se changeait rapidement avant d’aller parler à ses collaborateurs ou recevoir ses clients. Il tapa de rage sur le volant de la voiture qu’il avait retrouvée à la même place mais avec deux nouvelles rayures. Son exaspération augmenta encore à la sortie du parking souterrain, lorsqu’il vit les flocons de neiges, qui voletaient au grès du vent, grossirent à vu d’œil. Pourvu que le périphérique ne soit pas fermer, sinon il allait mettre des heures à rentrer chez lui. Son vœu fût exaucé. Il emprunta le périphérique pour rejoindre l’autoroute, mais sans jamais dépasser la première malgré ses injures. Arrivé sur l’autoroute, Pierre accéléra au mépris de toute prudence et ralentit à peine à sa sortie. Il n’avait qu’une hâte : rentrer se dégourdir les jambes après ces 21h00 d’avion, prendre une douche et dormir. Si c’était le matin en France, pour lui, avec un décalage horaire de 10h00, c’était la fin de journée. Le pied collé « au champignon », il ne ralentissait vraiment qu’en traversant ville et village. Il repensa à Mathilde. Il espérait bien qu’elle était rentrée après le dernier coup de fils qu’il lui avait passé, la sommant de rentrer immédiatement ou de ne pas rentrer du tout. Le doute le submergea, et son pied se fit de nouveau lourd sur l’accélérateur.
Cela faisait maintenant plus d’une heure qu’il attendait son avion de retour. Enfin, une voix suave annonça que son avion était sur le départ. Pierre se dirigea vers la porte d’embarquement, bousculant plusieurs personnes au passage. A peine monté dans l’avion, il ragea contre les incompétents qui ne savaient pas faire leur boulot. Il avait demandé une place coté fenêtre, ce n’était quand même pas difficile à trouver, et le voila coté allée, où il serait bousculé par tout les emmerdeurs qui ne savaient pas rester tranquille sur leur siège ! Après avoir obtenu gain de cause, Pierre passa le vol à s’apitoyer sur son sort et à ruminer l’accueil qu’il allait réserver à sa femme. Arriver à Paris, après avoir récupéré ses bagages sur le tapis roulant, il fonça vers le parking, en priant pour que sa voiture soit encore là. D’habitude, c’était Mathilde qui le déposait et passait le reprendre à l’aéroport. Elle l’attendait patiemment avec une chemise et un costume propre, le déposait à son boulot où il se changeait rapidement avant d’aller parler à ses collaborateurs ou recevoir ses clients. Il tapa de rage sur le volant de la voiture qu’il avait retrouvée à la même place mais avec deux nouvelles rayures. Son exaspération augmenta encore à la sortie du parking souterrain, lorsqu’il vit les flocons de neiges, qui voletaient au grès du vent, grossirent à vu d’œil. Pourvu que le périphérique ne soit pas fermer, sinon il allait mettre des heures à rentrer chez lui. Son vœu fût exaucé. Il emprunta le périphérique pour rejoindre l’autoroute, mais sans jamais dépasser la première malgré ses injures. Arrivé sur l’autoroute, Pierre accéléra au mépris de toute prudence et ralentit à peine à sa sortie. Il n’avait qu’une hâte : rentrer se dégourdir les jambes après ces 21h00 d’avion, prendre une douche et dormir. Si c’était le matin en France, pour lui, avec un décalage horaire de 10h00, c’était la fin de journée. Le pied collé « au champignon », il ne ralentissait vraiment qu’en traversant ville et village. Il repensa à Mathilde. Il espérait bien qu’elle était rentrée après le dernier coup de fils qu’il lui avait passé, la sommant de rentrer immédiatement ou de ne pas rentrer du tout. Le doute le submergea, et son pied se fit de nouveau lourd sur l’accélérateur.
Comme
tous les matins, Malicia Deschamps est au bord de la crise de nerfs, car elle
doit encore une fois : chercher les clefs de Robert son mari qui, pour la
millième fois depuis leur mariage, ne sait pas où il les a fourrées ;
hurler après Julien, son fils de 14 ans, pour qu’il daigne enfin se lever ; négocier avec Nina, sa
fille de 12, qui s’est enfermée dans la salle de bain et refuse d’en sortir
depuis qu’elle s’est découverte un bouton sur le nez ; et enfin, courir après
Tom, son petit dernier de 4 ans, qui refuse, comme tous les matins, d’enfiler
ses chaussures. Allez savoir pourquoi, depuis sa naissance, il a
systématiquement ôté tous ce qu’elle lui mettait aux pieds et aujourd’hui ne
fait visiblement pas exception à la règle. Telle que c’est partie, les enfants
vont encore être en retard à l’école et elle va encore avoir droits aux regards
réprobateurs des enseignants et des mamans présentes. Mais comment font-elles,
ses femmes parfaites, pour concilier mari, enfants, boulot et encore avoir le
temps de papoter tranquillement devant l’école. Après avoir trouvé les clefs de
son époux et lui avoir souhaité une bonne journée, sortie son fils du lit, sa
fille de la salle de bain, mis de force des chaussures à Tom, changer de
chemisier, car cela ne s’était pas fait sans cri ni pleur, et que ce dernier
s’était mouché dedans pendant la séance gros câlin pour le calmer ; toute
la famille se retrouve enfin dans la
voiture. La clef est sur le contact, les ceintures son bouclées, le moteur
ronronne prêt à partir, quand un cri strident lui vrille les oreilles. C’est
Tom qui réalise que l’on a oublié Didine sa peluche préférée. Sans qu’elle ait
besoin de rien dire, dans un ballet bien rodé, son grand tend la main pour
récupérer la clef, sort de la voiture et part en courant vers la maison, sa
sœur le suivant en ronchonnant sur l’inconscience des parents de faire un gosse
à 40 ans, alors qu’Alzheimer les guette. Malicia pousse un soupir exaspéré,
s’impatientant dans la voiture. Enfin, Julien sort, tenant dans son poing
victorieux le lapin de Tom qui, s’il n’avait pas été en peluche, aurait
« finit mitonné à la casserole » pense Malicia avec un sourire
sadique. Après avoir jeté un rapide coup d’œil à sa montre-bracelet et un
regard noir à la neige blanche qui va forcément ralentir le trafique, Malicia
monte le son de la radio pour ne pas entendre ses deux grands encore entrain de
s’asticoter et démarre doucement. C’est décidé, elle va commander, au Père
Noël, un tee-shirt avec inscrit en lettre fluo : VDM.
Pour
Julie Marcelin, la journée n’avait pas mieux commencé. Au volant de sa petite
Clio jaune poussin, elle essayait de rassembler ses souvenirs sur la soirée de
la veille. Lorsque Liane était venue la trouver pour sortir en boite ce
vendredi soir, Julie avait protesté, expliquant qu’elle bossait le lendemain
matin. Liane avait insisté, arguant qu’elle allait finir vieille fille si elle
ne sortait jamais le nez de ses bouquins. Julie avait finit par céder, non sans
avoir fait promettre à son amie de rentrer tôt. Elle poussa un grognement,
réfléchir ne faisait qu’empirer sa migraine. Une chose était sûr, à sa langue
chargée et à son crane qui menaçait d’exploser, elle avait dû boire pas mal,
trop, à n’en pas douter. Elle avait beau essayer de rassembler ses idées, elle
ne savait toujours pas qui était le type dans les bras duquel elle s’était
réveillée ce matin. Vu qu’elle était dans le plus simple appareil, Morphée,
comme elle l’avait surnommé, n’avait pas dû faire que dormir. En souriant, elle
pensa qu’elle aurait du l’appeler Adonis. Ce type était beau comme un dieu.
Elle voulait bien jouer les Aphrodite pour lui, si le bel Apollon en avait un
tant soit peu dans la cervelle. Pour savoir cela, il aurait fallu qu’elle ne se
sauve pas comme une voleuse. A moins bien sûr, qu’elle ait pensé à lui filer
son numéro de téléphone hier soir. Chose improbable au vu de son état ce matin,
il y a fort à parier que son cerveau était bien trop embrumé par les vapeurs
d’alcool pour penser à ça. Et puis, qui lui jetterait la pierre de ne pas avoir
réfléchit devant Adonis en personne ? Elle pensa qu’elle ferait mieux de
se dépêcher un peu. Elle savait qu’en passant chez elle, elle arriverait en retard
au boulot, mais elle voulait prendre un antidouleur, une douche, un café et se
changer (peu importe l’ordre dans lequel elle allait le faire) avant de filer
au collège où elle travaillait comme documentaliste. Pourvu qu’aucun « prof »
n’ait réservé le CDI ce matin. Rien qu’à penser aux élèves entrant en trainant
des pieds, les chaises et leurs sacs, sa migraine monta d’un cran.
Lisa
Gautier venait de quitter la maison. Le nez en l’air, elle regardait les
flocons danser dans l’air froid de ce mois de décembre. Les illuminations
donnaient un air de fête à la petite ville où elle avait grandit. Ses pas
l’entrainaient vers le petit bistrot où, tous les matins, elle retrouvait sa
bande de copains et surtout le beau Tristan. Lisa aimait Tristan avec la
passion et l’inquiétude que l’on éprouve à 15 ans. Cela faisait maintenant un
mois qu’elle vivait sur un petit nuage, blottit au creux des bras de Tristan.
Le rire de Tristan la faisait fondre. Tristan avait le plus beau sourire du
monde, avec une fossette juste là. Tristan
embrassait comme un Dieu. Tristan, Tristan, Tristan… Lisa n’avait plus que se
nom à la bouche et au cœur. Un grand sourire illumina son visage lorsque son téléphone
portable lui annonça l’arrivée d’un SMS de Tristan. Son teint devint blême, son
sourire s’effaça lorsqu’elle lu : « Ma lisa, jtm mais j’te quitte.
N cherche pas à me revoir. Nous deux
c’est mort ». Les yeux brouillés par les larmes et la neige, le corps
entier dans un cocon de douleur, les pas guidés par la force de l’habitude,
Lisa traversa sans même regarder. C’est le crissement des pneus et le hurlement
d’un passant qui la ramena, trop tard, à une réalité tout aussi dur mais plus
immédiate.
A
l’autre bout de la France, à l’hôpital des enfants de Toulouse, Le professeur
Legrand reçoit Monsieur et Madame Louvoie. Il connait ce couple de longue date
et pèse ses mots pour leur annoncer que l’état de leur fille de 13 ans,
Camille, s’est encore aggravé. En bref, il faut trouver très vite un cœur
compatible pour Camille sinon… Sortie du bureau du professeur, Caroline
s’effondre dans les bras de son mari, qui encaisse tout aussi difficilement le
coup qu’elle. Elle relève la tête et croise le regard furieux de Thomas. Il
s’éloigne d’elle, murmure entre ses dents serré un : « Je sors
fumer », et la laisse seule face à sa douleur. Elle sait bien que son mari
n’est pas insensible à sa peine, juste il ne sait pas comment la consoler,
d’autant que lui aussi souffre. Son impuissance à protéger et à aider leur
fille le mine. Sa douleur, il la transforme en colère. C’est en discutant avec
la psychologue de l’établissement que Caroline a compris tous cela. Psychologue
que Thomas a bien entendu refusé de voir. Elle lui a expliqué que face à la peine,
chacun réagit différemment, que face au malheur les couples se soudent, se
soutiennent ou s’éparpillent, cassent, en laissant derrière eux un peu plus de
peine et un peu plus de larmes. Caroline a décidé de s’accrocher. La vie a déjà
donné un cœur brisé à sa fille, elle n’aura pas en plus celui de leur couple.
Alors elle serre les dents et fait face seule à sa douleur et aux questions de
leur fille.
Lorsque
la nouvelle tombe caroline reste d’abord hébétée puis elle oscille entre rire
et larmes. Elle cherche thomas pour lui annoncer la bonne nouvelle. Un
carambolage, trois voitures, un homme, une jeune femme, une mère de famille et ses trois
enfants, une collégienne qui a traversée
sans regarder, un cœur, un cœur compatible. Pour thomas aussi, les mots ont mis
un temps à traverser sa douleur. Enfin il comprend : Camille, Camille est
sauvée. Il serre sa femme dans ses bras à l’étouffer. S’il n’a pas su partager
sa peine, il sait partager sa joie, pense Caroline en se laissant bercer dans
ses bras. C’est en retournant vers la chambre de leur fille que la conscience
de Caroline se réveille : « Est-ce bien de se réjouir ainsi ? Et
si c’était le cœur de la collégienne, laissant des parents en pleure derrière
elle ? Ou La mère de famille et ses trois orphelins ? Et si c’était
l’homme ? Qui laisse-t-il derrière lui ? Une vie pour une vie. Est-ce
juste ? Peut-on construire son bonheur sur le malheur des
autres ? Peut-on aimer avec un cœur qui n’ai pas le sien ou un cœur sec
qui n’a jamais connu l’amour ? » Caroline fut sortie de ses noires réflexions
par la tendresse de son époux. Thomas, pensant qu’elle s’inquiétait de l’opération
à venir, l’avait attiré contre lui et, après avoir déposé un doux baiser sur
lèvres, avait murmuré à son oreille : « Tout va bien se passer ma
chérie. Le plus dur est derrière nous. On va de nouveau être heureux. »
Caroline plongea son regard dans celui de son époux, pris sa main et retourna à
son bonheur en direction de la chambre de leur fille.
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