vendredi 17 mai 2019

Naissance



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     Pour Léanne Martin, la journée avait été très longue. Elle trépignait de joie et d’inquiétude mêlée. Elle n’avait qu’une hâte parler à Thomas. Comment allait-il prendre la nouvelle ? Elle le savait, Thomas ne voulait pas d’un enfant ou pour le moins, pas pour l’instant. Il ne se sentait pas prêt. Mais Léa était plus que prête et cela faisait déjà trois ans qu’il refusait catégoriquement d’envisager cette nouvelle perspective à leur amour. Car Léa n’en doutait pas, ils possédaient suffisamment d’amour en eux pour le partager avec un petit bout d’eux-mêmes. Alors, Léa avait oublié de prendre sa pilule, involontairement bien sûr, un acte manqué. Et le résultat était là, la vie avait repris ses droits et trouvé le chemin au creux de son ventre, au creux de son cœur. Oui, de son cœur ! Car elle l’aimait déjà ce petit être qu’elle attendait de sentir bouger avec l’impatience d’une futur maman. Toute la journée, Léanne était restée perché sur son petit nuage, même si à côté, un petit nuage noir, grossissant au fil de la journée, enfla son inquiétude  et son appréhension. Rentrée chez elle, elle s’était empressée de prendre une douche et d’enfiler la petite robe noire que Thomas aimait tant. Ce soir, pour la première fois depuis leurs huit ans de vie commune, c’est elle qui le sortait. Elle avait réservé dans leur restaurant préféré et avait laissé un message à sa secrétaire pour qu’il la rejoigne là bas après le boulot.

     Quand Léanne entra dans le restaurant, son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant Thomas se levé et venir vers elle. Son cœur l’aimait comme au premier jour. Il suffisait qu’elle le voie, pour qu’il s’emballe dans sa poitrine. Le nuage d’inquiétude devint plus énorme tout à coup. Elle se força à sourire pour conjurer le sort.
-Tu es superbe, ma chérie, murmura Thomas au creux de son oreille.
- Merci, tu n’es pas mal non plus, lui répondit-elle, rougissant sous le compliment.
Thomas aida Léanne à s’assoir, s’installa en face d’elle et demanda :
- Que me vaux cette charmante invitation.
- J’avais envie de sortir, tout simplement, répondit-elle pour retarder l’instant.
- Tu as eut raison ma chérie. Cela va nous faire le plus grand bien. Je mène une vie de dingue au boulot en ce moment et du coup j’en oublie le primordial, toi.
Ils parlèrent de tout et de rien pendant le repas. Thomas était aux anges, il ne quittait pas Léa des yeux, tout son corps tendu vers elle. Léa avait bien du mal à manger ce qu’elle avait commandé. Non que cela ne fût pas bon, bien au contraire, mais le nuage noir d’inquiétude dans sa tête venait de se loger dans son estomac. C’est au moment du désert que Léa se lança et annonça à Thomas qu’il allait avoir un bébé.
Le doux sourire de Thomas s’effaça, ses beaux yeux bleues virèrent au gris, sa main se détacha de la sienne, il recula le buste sur le dossier de sa chaise et murmura à travers sa mâchoire crispée : « Pardon ? »
     Léanne lui expliqua l’oublie de la pilule une fois, son désir de le garder, de l’aimer. Qu’elle n’avait pas fait attention à son absence de menstruation, qu’elle était enceinte d’environs deux mois, d’où le petit ventre dont il se moquait gentiment. Au fur et à mesure où elle parlait, Thomas blêmissait. Enfin il cracha en se levant : « Je n’aurais jamais pensé que tu étais du genre à me faire un enfant dans le dos » et il quitta le restaurant sans un regard en arrière malgré les supplications de Léanne. Elle se dépêcha de payer leur repas, fonça à sa voiture, mis le contacte et démarra, espérant retrouver Thomas à la maison. Elle allait lui parler, le faire changer d’avis, cela ne pouvait être la fin de leur histoire. A travers le brouillard de ses larmes, Léanne ne vit pas le panneau stop. Et c’est dans un bruit de tôle froissée que la voiture s’arrêta dans un camion. La suite, elle le vécu dans un cocon. Une ambulance, ça désincarcération, l’hôpital, les blouses blanches et une seule phrase : « mon bébé, sauvez mon bébé ».

     Lorsque Léanne se réveilla, elle était allongée dans un lit d’hôpital, branchée à des machines qui écoutaient son cœur et celui de son bébé. Une femme en blouse blanche penchée sur elle lui murmurait que tout allait bien se passer, qu’elle ne devait pas s’inquiéter, qu’elle était entre de bonne main. Léanne se rendormit rassurée. Lorsqu’elle ouvrit de nouveau les yeux, Thomas était penché au dessus d’elle et lui murmurait des mots tendres. Il était aussi blanc que la blouse des infirmières. Léa voulu le rassurer sur son état, mais sa langue était si pâteuse et sa tête si lourde qu’elle sombra de nouveau dans l’oublie.
     Léanne vécu sa grossesse sur un petit nuage de bonheur. Bien sûr, elle aurait préféré ne pas la passer aliter sur un lit d’hôpital, mais le plus important c’était que Thomas aie accepté de devenir père. Il passait la voir tous les jours à l’hôpital, tantôt avec un bouquet de fleur, tantôt avec des ballons multicolores pour décorer la chambre à son réveille. Léa riait de ses fadaises et pensait qu’il est devenu fou, fou d’amour pour le bébé à venir. Il parlait à leur fille tout les jours, car il en était persuadé, se serait une fille.  Alors, il donnait  déjà au fœtus du ma princesse, ma petite chérie, ma puce, oubliant que quelque temps plus tôt, c’était à elle qu’il réservait ces mots tendres. Il lui lisait le journal pour qu’elle soit en contacte avec la réalité et avait  commencé pour elle « Alice aux pays des merveilles ». Oui, cet homme était devenu fou, souriait Léanne sur son nuage.

      Assis au chevet de Léanne, les yeux dans le vague, Thomas revivait, pour la millième fois, la scène du restaurant et ce qui en avait découlé. Après avoir quitté le restaurant, il avait roulé jusqu’au parc, persuadé que marcher le long de son cours d’eau l’aiderait à se calmer. Car il était furieux. Pourquoi lui avait-elle fait un coup pareil ? Pourquoi leur amour ne lui suffisait pas ? Pourquoi ne voulait-elle pas comprendre qu’il ne savait pas comment être un bon père, lui qui n’avait jamais connu le sien. Le clapotis de l’eau eut, peu à peu, raison de sa colère. Thomas se dirigeait vers sa voiture lorsque son portable se mit à vibrer. Un rapide coup d’œil au numéro ne le renseigna pas sur son interlocuteur. Il hésita un moment, puis décrocha. Il blêmit en écoutant le discours bien rodé de son interlocutrice. Il n’en saisit que quelques brides : numéro d’urgence, Léanne, hôpital ; mais cela lui suffit pour courir à sa voiture et rouler comme un fou dans les rues de la ville endormis. Il fut accueillit par une infirmière qui lui expliqua que le professeur Balaguer  allait le recevoir. Et il du faire les cents pas en attendant que quelqu’un daigne enfin répondre à ces questions. Le professeur l’avait reçut à son bureau pour lui donner des nouvelles de Madame Martin puis,  il l’avait conduit auprès de Léa, au soin intensif. Thomas l’avait suivit sans broncher, sonné par la douleur. Léanne, sa Léa, était morte par sa faute. Plus jamais il n’entendrait son rire, plus jamais il ne la tiendrait dans ses bras, plus jamais il n’aurait de longues discutions avec elle, le verdict était tombé : mort cérébrale. Le médecin lui avait expliqué que Léa était branchée à des machines pour pouvoir sauver l’enfant. Qu’il serait père malgré tout. La vie était souvent très ironique. Elle lui prenait l’être qu’il ne voulait surtout pas perdre et lui laissait celui qu’il ne se sentait pas prêt à accueillir. Tous les jours depuis cette nuit là, Thomas vint rendre visite à Léa. Il lui parla du papier peint au ballon de baudruche multicolore qu’il avait collé dans la chambre du bébé. Des premières fleurs qui sortaient dans le jardin. Il lui lisait le journal et son livre préféré : « Alice aux pays des merveilles ». Les infirmières lui avaient expliquées qu’elle ne pouvait l’entendre, mais Thomas restait persuadé que l’âme de Léa était toujours près d’eux et qu’il pouvait encore se faire pardonner, en lui promettant de bien s’occuper de leur enfant, une petite fille au vu des échographies.
Thomas était entré dans l’hôpital encore une fois, avait traversé les couloirs d’un pas lourd et s’était dirigé vers la chambre de Léanne. Il avait poussé la porte dans un soupire et s’était assit un moment à son chevet. Le bruit d’un chariot le ramena à la réalité. L’heure des adieux était venue. Ses yeux étaient baignés de larmes quand il prit doucement la jeune femme dans ses bras. Il lui murmura des mots d’amour et lui promis de bien s’occuper de l’enfant. Un infirmier entra : « c’est l’heure Monsieur  Louvois ». Thomas déposa un tendre baiser sur les lèvres de sa princesse endormis puis, regarda l’infirmier emporter la jeune femme à jamais. Quand l’infirmier revint, il portait une petite chose fragile qu’il lui mit dans les bras. Lorsque les yeux de Thomas rencontrèrent le regard de sa fille, Léa, il sût qu’il essaierait pour elle, d’être le plus merveilleux des papas.






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