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Pour Léanne Martin, la journée avait
été très longue. Elle trépignait de joie et d’inquiétude mêlée. Elle n’avait
qu’une hâte parler à Thomas. Comment allait-il prendre la nouvelle ? Elle
le savait, Thomas ne voulait pas d’un enfant ou pour le moins, pas pour
l’instant. Il ne se sentait pas prêt. Mais Léa était plus que prête et cela
faisait déjà trois ans qu’il refusait catégoriquement d’envisager cette
nouvelle perspective à leur amour. Car Léa n’en doutait pas, ils possédaient
suffisamment d’amour en eux pour le partager avec un petit bout d’eux-mêmes.
Alors, Léa avait oublié de prendre sa pilule, involontairement bien sûr, un
acte manqué. Et le résultat était là, la vie avait repris ses droits et trouvé
le chemin au creux de son ventre, au creux de son cœur. Oui, de son cœur !
Car elle l’aimait déjà ce petit être qu’elle attendait de sentir bouger avec
l’impatience d’une futur maman. Toute la journée, Léanne était restée perché
sur son petit nuage, même si à côté, un petit nuage noir, grossissant au fil de
la journée, enfla son inquiétude et son
appréhension. Rentrée chez elle, elle s’était empressée de prendre une douche
et d’enfiler la petite robe noire que Thomas aimait tant. Ce soir, pour la première
fois depuis leurs huit ans de vie commune, c’est elle qui le sortait. Elle
avait réservé dans leur restaurant préféré et avait laissé un message à sa
secrétaire pour qu’il la rejoigne là bas après le boulot.
Quand Léanne entra dans le
restaurant, son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant Thomas se levé et
venir vers elle. Son cœur l’aimait comme au premier jour. Il suffisait qu’elle
le voie, pour qu’il s’emballe dans sa poitrine. Le nuage d’inquiétude devint
plus énorme tout à coup. Elle se força à sourire pour conjurer le sort.
-Tu es superbe, ma chérie, murmura
Thomas au creux de son oreille.
- Merci, tu n’es pas mal non plus,
lui répondit-elle, rougissant sous le compliment.
Thomas aida Léanne à s’assoir,
s’installa en face d’elle et demanda :
- Que me vaux cette charmante
invitation.
- J’avais envie de sortir, tout
simplement, répondit-elle pour retarder l’instant.
- Tu as eut raison ma chérie. Cela va
nous faire le plus grand bien. Je mène une vie de dingue au boulot en ce moment
et du coup j’en oublie le primordial, toi.
Ils parlèrent de tout et de rien
pendant le repas. Thomas était aux anges, il ne quittait pas Léa des yeux, tout
son corps tendu vers elle. Léa avait bien du mal à manger ce qu’elle avait
commandé. Non que cela ne fût pas bon, bien au contraire, mais le nuage noir
d’inquiétude dans sa tête venait de se loger dans son estomac. C’est au moment
du désert que Léa se lança et annonça à Thomas qu’il allait avoir un bébé.
Le doux sourire de Thomas s’effaça,
ses beaux yeux bleues virèrent au gris, sa main se détacha de la sienne, il
recula le buste sur le dossier de sa chaise et murmura à travers sa mâchoire
crispée : « Pardon ? »
Léanne lui expliqua l’oublie de la
pilule une fois, son désir de le garder, de l’aimer. Qu’elle n’avait pas fait
attention à son absence de menstruation, qu’elle était enceinte d’environs deux
mois, d’où le petit ventre dont il se moquait gentiment. Au fur et à mesure où
elle parlait, Thomas blêmissait. Enfin il cracha en se levant : « Je
n’aurais jamais pensé que tu étais du genre à me faire un enfant dans le
dos » et il quitta le restaurant sans un regard en arrière malgré les
supplications de Léanne. Elle se dépêcha de payer leur repas, fonça à sa
voiture, mis le contacte et démarra, espérant retrouver Thomas à la maison.
Elle allait lui parler, le faire changer d’avis, cela ne pouvait être la fin de
leur histoire. A travers le brouillard de ses larmes, Léanne ne vit pas le panneau
stop. Et c’est dans un bruit de tôle froissée que la voiture s’arrêta dans un
camion. La suite, elle le vécu dans un cocon. Une ambulance, ça
désincarcération, l’hôpital, les blouses blanches et une seule phrase :
« mon bébé, sauvez mon bébé ».
Lorsque Léanne se réveilla, elle
était allongée dans un lit d’hôpital, branchée à des machines qui écoutaient
son cœur et celui de son bébé. Une femme en blouse blanche penchée sur elle lui
murmurait que tout allait bien se passer, qu’elle ne devait pas s’inquiéter,
qu’elle était entre de bonne main. Léanne se rendormit rassurée. Lorsqu’elle
ouvrit de nouveau les yeux, Thomas était penché au dessus d’elle et lui
murmurait des mots tendres. Il était aussi blanc que la blouse des infirmières.
Léa voulu le rassurer sur son état, mais sa langue était si pâteuse et sa tête
si lourde qu’elle sombra de nouveau dans l’oublie.
Léanne vécu sa grossesse sur un petit
nuage de bonheur. Bien sûr, elle aurait préféré ne pas la passer aliter sur un
lit d’hôpital, mais le plus important c’était que Thomas aie accepté de devenir
père. Il passait la voir tous les jours à l’hôpital, tantôt avec un bouquet de
fleur, tantôt avec des ballons multicolores pour décorer la chambre à son
réveille. Léa riait de ses fadaises et pensait qu’il est devenu fou, fou d’amour
pour le bébé à venir. Il parlait à leur fille tout les jours, car il en était
persuadé, se serait une fille. Alors, il
donnait déjà au fœtus du ma princesse,
ma petite chérie, ma puce, oubliant que quelque temps plus tôt, c’était à elle
qu’il réservait ces mots tendres. Il lui lisait le journal pour qu’elle soit en
contacte avec la réalité et avait commencé pour elle « Alice aux pays des
merveilles ». Oui, cet homme était devenu fou, souriait Léanne sur son nuage.
Assis au chevet de Léanne, les yeux dans le
vague, Thomas revivait, pour la millième fois, la scène du restaurant et ce qui
en avait découlé. Après avoir quitté le restaurant, il avait roulé jusqu’au
parc, persuadé que marcher le long de son cours d’eau l’aiderait à se calmer.
Car il était furieux. Pourquoi lui avait-elle fait un coup pareil ?
Pourquoi leur amour ne lui suffisait pas ? Pourquoi ne voulait-elle pas
comprendre qu’il ne savait pas comment être un bon père, lui qui n’avait jamais
connu le sien. Le clapotis de l’eau eut, peu à peu, raison de sa colère. Thomas
se dirigeait vers sa voiture lorsque son portable se mit à vibrer. Un rapide
coup d’œil au numéro ne le renseigna pas sur son interlocuteur. Il hésita un
moment, puis décrocha. Il blêmit en écoutant le discours bien rodé de son
interlocutrice. Il n’en saisit que quelques brides : numéro d’urgence,
Léanne, hôpital ; mais cela lui suffit pour courir à sa voiture et rouler
comme un fou dans les rues de la ville endormis. Il fut accueillit par une
infirmière qui lui expliqua que le professeur Balaguer allait le recevoir. Et il du faire les cents
pas en attendant que quelqu’un daigne enfin répondre à ces questions. Le
professeur l’avait reçut à son bureau pour lui donner des nouvelles de Madame
Martin puis, il l’avait conduit auprès
de Léa, au soin intensif. Thomas l’avait suivit sans broncher, sonné par la
douleur. Léanne, sa Léa, était morte par sa faute. Plus jamais il n’entendrait
son rire, plus jamais il ne la tiendrait dans ses bras, plus jamais il n’aurait
de longues discutions avec elle, le verdict était tombé : mort cérébrale.
Le médecin lui avait expliqué que Léa était branchée à des machines pour
pouvoir sauver l’enfant. Qu’il serait père malgré tout. La vie était souvent
très ironique. Elle lui prenait l’être qu’il ne voulait surtout pas perdre et
lui laissait celui qu’il ne se sentait pas prêt à accueillir. Tous les jours
depuis cette nuit là, Thomas vint rendre visite à Léa. Il lui parla du papier
peint au ballon de baudruche multicolore qu’il avait collé dans la chambre du
bébé. Des premières fleurs qui sortaient dans le jardin. Il lui lisait le
journal et son livre préféré : « Alice aux pays des
merveilles ». Les infirmières lui avaient expliquées qu’elle ne pouvait
l’entendre, mais Thomas restait persuadé que l’âme de Léa était toujours près
d’eux et qu’il pouvait encore se faire pardonner, en lui promettant de bien
s’occuper de leur enfant, une petite fille au vu des échographies.
Thomas était entré dans l’hôpital
encore une fois, avait traversé les couloirs d’un pas lourd et s’était dirigé
vers la chambre de Léanne. Il avait poussé la porte dans un soupire et s’était
assit un moment à son chevet. Le bruit d’un chariot le ramena à la réalité.
L’heure des adieux était venue. Ses yeux étaient baignés de larmes quand il
prit doucement la jeune femme dans ses bras. Il lui murmura des mots d’amour et
lui promis de bien s’occuper de l’enfant. Un infirmier entra :
« c’est l’heure Monsieur
Louvois ». Thomas déposa un tendre baiser sur les lèvres de sa
princesse endormis puis, regarda l’infirmier emporter la jeune femme à jamais.
Quand l’infirmier revint, il portait une petite chose fragile qu’il lui mit
dans les bras. Lorsque les yeux de Thomas rencontrèrent le regard de sa fille, Léa,
il sût qu’il essaierait pour elle, d’être le plus merveilleux des papas.
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