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Angéline Angus adore Noël. Elle aime les lumières qui illuminent
la ville le soir, l’odeur du sapin et des marrons chauds, les couleurs gaies
des guirlandes et des boules de noël multicolores et le blanc magique et
immaculé de la neige au réveil. Elle adore l’impatience des enfants, leurs yeux
émerveillés devant les vitrines dont les décors rivalisent de joies et de beautés.
Et par-dessus tout, Angéline croit aux valeurs de cette période de l’année :
1 1.
Le
Repos,
2 2.
L’Amour
et le Pardon,
3 3.
L’Entraide
et la Bonté,
4 4.
Le
Partage,
5 5.
La
joie de se réunir avec les personnes aimées,
6 6.
Le
plaisir d’Offrir et de Recevoir.
Pourtant en
ce 24 décembre 2019, Angéline Angus est loin d’avoir le sourire impatient des
autres années.
Ce mois de
décembre avait été de la folie au bureau. Elle avait enchainé les heures
supplémentaires et avait même travaillé le samedi, n’ayant plus que le dimanche
à consacrer à Nicolas, l’homme de sa vie. Nico s’était montré compréhensif et
lui répétait sans cesse : « Ce n’est pas grave ma chérie, nous
nous rattraperons après les fêtes ». C’est ce qui avait permis à Angéline
de tenir le rythme. Elle s’était raccrochée à une idée folle de vacances en
amoureux. N’est-ce pas ce que sous entendait Nicolas ? Ce serait un Repos
bien mérité, surtout qu’elle devrait courir les magasins le 24 décembre pour
dénicher les cadeaux idéals.
Même si elle
se doutait que se serait la cohue dans les magasins, elle s’était réveillé ce
matin là, le sourire aux lèvres en chantonnant « Mon beau sapin». Elle
avait stoppé net son chant en découvrant le petit mot que lui avait laissé
Nicolas.
Angy
Je me
rends bien compte que ce n’est pas la meilleur période de l’année pour te dire
adieu, mais je n’en peux plus. J’ai rencontré quelqu’un d’autre qui me
correspond mieux et que j’adore. Je te souhaite de trouver le même bonheur que
le mien. Adieu ma chère Angy et ne m’en veux pas trop. Noël n’est t-il pas la
période du pardon ? J’espère que nous resterons amis.
Joyeux
Noël
Nicolas
Angéline en
resta sans voix un long moment, puis la colère prit le dessus. Lui faire ça, à
elle et la veille de Noël en plus. C’était tous simplement monstrueux. Et en
plus, il n’avait même pas eut le courage de lui expliquer les choses en face.
Il était partie pendant son sommeil le lâche. Il allait voir où il pouvait se
le mettre son pardon et son joyeux noël. Angéline attrapa son portable, composa
le numéro de Nicolas et le traita de tout les noms d’oiseaux qu’elle
connaissait. Quand elle eut raccroché, elle s’effondra en larmes dans la
cuisine.
Deux heures
plus tard, Angy se décida enfin à bouger. Ce n’était pas parce que cet abrutit
l’avait quitté, qu’elle devait gâcher les fêtes de Noël de sa famille. Elle
alla se passer en hâte de l’eau sur le visage, pris son manteau et son
parapluie et descendit dans la rue avec l’espoir d’attraper un bus ou un taxi.
Elle grommela contre la pluie battante qui n’avait rien d’enchanteur, ni de
magique. Bien entendu, arrivée à l’arrêt de bus, elle vit ce dernier s’éloigner
sans un regret et pas moyen de trouver un taxi. Le seul qu’elle aperçut n’était
pas libre et roula un peu vite dans une flasque d’eau l’arrosant de la tête au
pied malgré son parapluie. Le vent qui soufflait doucement jusque là, se mit à
prendre de l’ampleur. Elle resserra son manteau sur elle, courba le dos et
avança en bataillant avec son pébroc contre le vent. Ce dernier finit par
remporter la bataille et après avoir retourner son abri pour la troisième fois, le pauvre parapluie rendit l’âme dans un craquement
sinistre. C’est donc trempée jusqu’aux os, qu’Angy entra dans le temple de la consommation :
le centre commercial « les trois abreuvoirs » qui réunissait, sur
trois niveaux, grandes surfaces, restaurations et boutiques en tous genres.
Un sourire niais,
nait sur son visage au son des chants de noël qui se propagent dans la grande
surface bondée en cette veille de noël, en même temps qu’une douce chaleur se
répand dans son corps, lui réchauffant le cœur, les mains, le nez et les
pieds. Elle avance rapidement, décidant de commencer par la grande surface et
de compléter ses achats, au besoin, dans les boutiques attenantes. Quand les haut-parleurs
se mirent à égrainer « Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver… »,
Angéline perdit son pauvre sourire et se mit, tout en regardant son parapluie
défoncé, à maugréer contre les imbéciles qui avaient écrit cette stupide
chanson sur le vent.
Un rapide coup d’œil aux caisses lui
annonça l’ampleur du marathon qu’elle s’apprêtait à subir. Décidément, elle
serait mieux sous la couette, un paquet de mouchoirs en papiers dans une main,
une boite de crottes en chocolats dans l’autre, à pleurer son amour perdu, tout
en regardant une comédie romantique. Angéline se redressa en se disant : « allez
c’est la période du partage et cela commence par un sourire». Elle avança
souriant aux personnes qu’elles croisaient, qui la regardèrent comme si elle
débarquait de Jupiter ou comme une évadée de l’asile. Tous poussaient leur
chariot d’un œil morne devant l’ampleur des achats qui les attendaient et qui
allaient faire exploser leur budget. Il était évident que la magie de noël
avait déserté ce lieu.
Toutefois, Angéline ne voulais pas
capituler. C’était noël que diable. Au rayon chocolaterie, elle se prit une
boite de chocolat noir, détournant les yeux des « Mon chéri » qui la
narguait dans leur boite rouge en forme de cœur. C’est alors qu’elle vit une
femme d’environs soixante quinze ans, les cheveux courts grisonnants et des
lunettes sur le nez, essayant désespérément d’attraper une boite de chocolat au
fond d’une étagère. Elle avait visiblement le bras trop court. Aussitôt, Angy
se précipita pour l’aider, espérant enfin, se voir gratifier d’un merveilleux
sourire, d’un « merci » et d’un « joyeuse fête ». Cela lui mettrait
du baume au cœur. Mais la vieille la regarda d’un œil noir et lui demanda de
quoi elle se mêlait. Puis jetant n’importe où la boite que venait de lui
attrapé Angéline, la vieille se détourna sans plus de façon. Angy poussa un
soupire et fila au rayon des vêtements. Elle regardait une superbe écharpe en
soie mauve lorsqu’elle ressentit une vive douleur dans le dos. Elle venait de recevoir
un méchant coup de caddie de la retraitée de tout à l’heure. Cette dernière s’approcha
un pauvre sourire aux lèvres. Angy, croyant que cette dernière voulait s’excuser,
ne se méfia pas et se vit souffler la superbe écharpe qu’elle souhaitait offrir
à sa mère, par la vieille qui partie en ricanant.
« Franchement elle commence
sérieux à me les couper menu-menus, la Tatie Danielle » pensa Angéline
avec colère. «Ah ! Les vieux on devrait les vendre à la naissance.
Autrefois ont les enfermait dans les maisons de retraite pour avoir la paix,
mais avec le baby boum, aujourd’hui c’est les maisons de retraite qui font
BOUM. Du coup, ils nous cassent les pieds dans les grands magasins ! »
bougonna-t-elle. Angy se rabattit sur la dernière écharpe du rayonnage, de
couleur feuilles mortes, beaucoup moins gaie que celle que lui avait chourée
Tatie Danielle.
Au rayon livre, elle chercha « Il
est grand temps de rallumer les étoiles » de Virginie Grimaldi, pour faire
découvrir cet auteur à sa cousine Lucie. Elle découvrit enfin le livre qu’elle
convoitait tout en haut d’une étagère. Malgré tout ses efforts, elle ne réussit
pas à l’atteindre. Plusieurs messieurs passèrent sans même chercher à l’aider.
La libération de la femme ayant amené un nouveau phénomène : l’absence d’entre
aide entre les hommes et les femmes. « A moins que ce ne soit l’entre-aide
tout court qui se soit perdu en janvier et que l’on a toujours pas retrouvé en
décembre ? » se demanda Angy. Elle dû donc courir après un vendeur,
débordé de travail en ce jour de fête.
Deux heures plus tard, arrivée à la
caisse, Angéline, fatiguée, avait perdu son sourire et sa croyance en la bonté
humaine. Elle n’avait qu’une hâte rentrer chez elle pour prendre une douche
bien chaude, se changer et rejoindre le cocoon familiale où sa mère, sa sœur et
sa cousine la consolerait de la bassesse de ce monde et des hommes en
particulier.
Quand elle entra dans la maison de
son enfance, Angy retrouva son sourire. Sa mère, sa sœur Marie et sa cousine
Lucie l’entrainèrent dans la cuisine ou une douce odeur de cannelle vint lui chatouiller
les narines. Une fois qu’elles eurent toutes déversées leur venin sur cet idiot
de Nicolas, au point qu’il avait du entendre, non pas ses oreilles siffler,
mais sonner les cloches de noël bien avant minuit, elles rejoignirent le salon où son père servait l’apéritif.
Lorsque la sonnerie de la porte se fit entendre, ils riaient tous d’une blague
du mari de Lucie. Le regard que lui jeta sa mère en allant ouvrir fit craindre
le pire à Angéline. Et elle avait raison. Ses parents avaient invité Tante Edna,
surnommé la gestapo par les trois filles. En effet cette dernière passait son
temps à poser des questions, même les plus indiscrètes. Elle voulait toujours
tous savoir sur tout le monde et si possible avant tous le monde. Sa mère lui
jeta un regard qui signifiait : « on ne pouvait pas la laisser seule pour
Noël ». En effet, Tante Edna, n’ayant pas eut d’enfant se retrouvait seul
depuis la mort de son époux. Angéline lança un pauvre sourire de compréhension
à sa mère et dû subir toute la soirée les insinuations de sa tante sur son horloge
biologique qui continuait de tourner et le fait que si elle n’y mettait pas un
peu du sien pour garder un homme, elle finirait vieille fille avec des chats.
Angy qui se faisait une joie de cette
réunion de famille, attendait maintenant avec impatience le moment des cadeaux,
non pas pour le plaisir d’offrir et de recevoir, mais pour échapper à cette
tante inquisitrice, à la fois juge et bourreau.
Quand enfin, Angéline pu s’éclipser
de la fête, elle le fit avec une grande joie. Car pour elle cette année, il n’y
eut pas de magie de noël, d’autant que les cadeaux de tante Edna allaient finir
en vente sur internet.
Je vous souhaite à tous et à toutes de
très bonnes fêtes et j’espère que la magie de noël vous visitera bien.
Joyeux Noël.
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