vendredi 21 juin 2019

Il faut souffrir pour être beau !


Lire en premier : L'effet domino


enfance, amour, nouvelle, humour
 Image trouvée : ICI


   Et c’est reparti ! Comme tous les matins, c’est la panique chez la famille Deschamps. Malicia, cette jolie trentenaire mère de trois enfants (enfin quatre si vous lui posez la question, car elle englobe Robert, son étourdit de mari), est au bord de la crise de nerf. Pour la énième fois Robert a perdu les clefs de son véhicule ; Julien, son fils de 14 ans, n’est toujours pas lever ; Nina, sa fille de 12, squatte l’unique salle de bain de la maison ; et enfin, Tom, son petit dernier de 4 ans, a caché ses chaussures. C’est sa manière à lui de protester contre ses objets qu’il juge inutiles et barbares. Barbare étant devenu son nouveau mot, depuis que Julien est tombé sur les BD de son père  dans le grenier. Il aurait pu parler en schtroumpf, jurer en mille sabord, crier à tue tête par Toutatis, avoir peur que le ciel lui tombe sur la tête, mais non, lui il avait craqué sur le coté barbare de Conan. C’est joli barbare, ça fait penser à la barbe de papa qui chatouille le cou quand il fait des bisous, à la barbe à papa que l’on mange les jours de fête et aux Barbapapa qui se transforment à volonté. Alors Tommy le sort à toutes les sauces et finalement fort à propos lorsqu’il s’agit de ses chaussures qu’il ne supporte pas.

   Allez savoir pourquoi, depuis sa naissance, il a systématiquement ôté tous ce que Malicia lui mettait aux pieds. Comme tous les bébés, il se débarrassait des chaussettes et des petits chaussons à peine mis aux pieds. On aurait pu penser que cela lui passerait mais… Il tirait sur les talons de sa grenouillère en pleurant, à tel point que Malicia avait finit par couper les bas de pyjama pour laisser les petons de son fils à l’air libre. A son entrée en crèche, les auxiliaires de puériculture avaient à leur tour essayé de mettre des chaussettes et des chaussons à Tom. Mais rien n’y faisait, rien ne lui résistait, ni les fermetures éclaire, ni les lacets, pas même les double nœuds. Elles aussi avaient finit par capituler et c’est pied nu que Tom avait appris à marcher.
Les choses avaient finit par se corser avec l’âge. Si jusque là être pied nu dans le jardin, dans le bac à sable du parc ou dans la poussette ne posait ni problème ni question, en grandissant l’affaire devint épineuse. Le regard des voisins, des passants et des commerçants commença à peser. Mais l’affaire devint encore plus délicate à son entrée à l’école maternelle.

Dès les premières semaines, les ennuies commencèrent : cavalcade le matin pour lui mettre ses chaussures et les parents de Tom finirent par être convoqués. Il était impossible, inimaginable de recevoir un enfant sans souliers. Il existait des aides financières pour les parents en difficulté financières, nous ne vivions plus à l’époque de Charles Dickens, tout de même. Les parents essayèrent bien de faire comprendre à l’institutrice que le problème n’était pas financier, mais du à un refus totale de Tom d’entraver ses pieds. La vieille femme leur fit comprendre que sans discipline, ce n’était pas les pieds de Tom qui serait entraver mais ses poignets, car lorsqu’on n’inculque pas l’obéissance à ses enfants, vous pouvez être sûr que cela finit mal : drogue, vol, police et prison. Très vite, les pieds nus de Tom devinrent une affaire d’Etat (minimisons un peu : une affaire scolaire) entre des parents complètement démunis face à la situation et une vieille institutrice, de plus directrice de l’établissement, bornée et acariâtre selon Malicia. Le verdict tomba, exclusion de Tom jusqu’à ce qu’il porte des souliers aux pieds et visite impromptu des services sociaux, qui heureusement ne donnèrent aucune suite à cette affaire après la visite d’une assistante sociale.

   L’année avait passé sans aucun changement notable du côté des pieds de Tom. Il venait de fêter ses quatre ans, lorsque Malicia et Robert reçurent une convocation de Monsieur Durand, le nouveau directeur de l’école maternelle. Le cœur de Malicia fit un bond dans sa poitrine. Tom allait peut être pouvoir aller à l’école et elle pourrait ainsi reprendre son métier qu’elle adorait, professeur de danse.
Ils furent reçus par un homme d’une trentaine d’année, charmant et compréhensif selon Malicia. La semaine suivante, Tom faisait donc son entrée pied-nu dans la classe de Monsieur Durand, laissant chaussures et chaussons près de son porte manteau. Le premier trimestre n’avait vu aucun changement dans le regard de Tom vis-à-vis des souliers. On avait tout essayé point de vue chaussure : des sandales ouverte, des claquettes, des basquettes, des bottes et bottines, des mules, des charentaises, des espadrilles et les mêmes mocassins noirs de son meilleur copain, qu’il avait trouvé si joli. Rien n’y fit. Monsieur Durand, quant à lui avait essayé de lui faire comprendre l’importance des chaussures, leur rôle protecteur du froid, des objets coupants ou piquants et bien entendu le côté sociétal, le tout le monde en porte. Là encore, Les choses ne changèrent guères. Tom entama donc le deuxième trimestre les pieds nus.
C’est à se moment, qu’un élément inattendu se produisit dans la vie de Tommy. Un lundi matin, Monsieur Durand entra tenant par la main une petite fille  qui répondait au doux nom de Justine. Ses parents et elle venaient d’emménager dans la maison voisine de celle de Tom, qui n’avait jusqu’alors prêté aucune attention aux nouveaux arrivants. Mais là, son cœur ne fit qu’un tour et se mit à danser la salsa. Les yeux rivés sur elle, il nota : ses cheveux couleur Pikachu, ses yeux de la couleur des bonbons schtroumpf qu’il adorait tant et son sourire timide et gêner d’être le centre d’intérêt de la classe. Tom essaya toute la journée de se rapprocher de la belle Justine, mais dès qu’il s’approchait, elle filait à l’autre bout de la pièce. Le lendemain, le même manège recommença. Le mercredi, Tom essaya de la voir dans son jardin, mais la haie d’arbuste étaient bien trop épaisse pour laisser voir quoique se soit, il put juste l’entendre chantonner parfois. Le jeudi, n’en pouvant plus, Tom réussit à coincé sa belle à la récréation et lui demanda quelques explications sur son comportement, pour le moins étrange, puisqu’elle s’était lié d’amitié avec tous le monde sauf lui. Justine le regarda droit dans les yeux et lui jeta :

-« Je ne parle pas aux va-nu-pieds ! »

   Aussitôt, elle se détourna de lui et couru rejoindre les autres enfants. Toute la journée, Tom repensa au propos de Justine. Il y pensa le soir avant de se coucher, il en rêva aussi et le lendemain sa décision était prise. Il devait mettre des chaussures. Alors, à peine lever, on entendit crier dans la maison : « Maman, où sont mes chaussures ! »
La nuit avait porté conseil, il fallait souffrir pour être beau et conquérir le cœur de la belle.

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