vendredi 19 juillet 2019

Revers de fortune

Lire en premier : L'effet domino

Paris, neige, accident, solitude, maltraitance, mendiant, nouvelle
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Pour Pierre Agrit, la journée, ou plutôt la semaine, avait été une succession de catastrophes. D’abord sa femme Mathilde était partie avec sa sœur Roxanne voir leur mère. Elle était montée dans la petite Volvo de sa sœur, sans un regard en arrière, sa petite valise sous le bras. Tout cela à cause de sa belle mère qui avait eu la bonne idée de monter sur une chaise pour changer l’ampoule de la cuisine. A son âge ! Résultat couru d’avance : chute, ambulance, fracture du crane,  coma et hospitalisation. Et Mathilde était partie, le laissant se débrouiller seul avec sa propre valise et l’obligeant à laisser la voiture à l’aéroport. Tout ça pour une femme qui ne remarquerait même pas sa présence, alors que lui avait bien remarqué son absence, au vu de l’état de ses chemises à son arrivé à Sydney. Et il n’avait même pas pu compter sur Mia, sa maîtresse du moment, pour lui faire son repassage, car celle-ci n’avait rien trouvé de mieux que d’aller surfer. Du coup, bonjour la facture du pressing de l’hôtel ! Tout ça pour que le client change d’avis et choisisse une autre société que la sienne.
Ensuite son vol de retour avait eut une heure de retard, on l’avait placé côté couloir alors qu’il avait bien stipulé à la vendeuse qu’il voulait une place côté fenêtre.  Pendant tous le vol il avait eu le temps de ruminer contre les imbéciles du service des ventes de l’aéroport, sa maîtresse, son idiot de client et surtout contre sa femme et l’accueil qu’il allait lui réserver. Arriver à Paris, il remarqua deux nouvelles rayures sur sa voiture et pour couronner le tout il neigeait. Bien sûr, ces imbéciles de Parisiens n’avançaient plus dès qu’un peu de neige montrait le bout de son nez. Pierre était de plus en plus énervé et la fatigue n’arrangeait rien. Si c’était le matin en France, pour lui, avec un décalage horaire de 10h00,  c’était la fin de journée. Sortie du périphérique, il put enfin accélérer au mépris de toute prudence. Il n’avait qu’une hâte : rentrer se dégourdir les jambes après ces 21h00 d’avion, prendre une douche et dormir. Le pied collé « au champignon », il ne ralentissait vraiment qu’en traversant ville et village. Il repensa à Mathilde. Il espérait bien qu’elle était rentrée après le dernier coup de fils qu’il lui avait passé, la sommant de rentrer immédiatement ou de ne pas rentrer du tout. Le doute le submergea, et son pied se fit de nouveau lourd sur l’accélérateur. C’est à ce moment là, qu’une jeune fille traversa sans même regarder. Pierre freina de toutes ses forces, faisant crisser ses pneus, mais il ne put éviter la collision. Le corps de la jeune fille fut propulser lourdement sur le trottoir, qu’elle venait à peine de quitter. Quand la voiture de Pierre s’arrêta enfin, il ressentit un nouvel impact à l’arrière de son véhicule cette fois et l’airbag se déployant, le colla à son siège l’empêchant de voir ce qui se passait devant lui. Il ne lui manquait plus que ça. A cause de cette gamine, il allait avoir un tas de réparation à faire sur son véhicule, elle avait intérêt à avoir une bonne assurance et idem pour la voiture de derrière. En plus l’airbag lui avait sûrement cassé des côtes, raison pour laquelle il avait dû mal à respirer. Il allait demander des dommages et intérêts. 

Il resta coincé dans sa voiture pendant ce qui lui sembla être des heures. Enfin, un pompier vint le délivrer et il fût rapidement conduit à l’hôpital. Pierre s’en tirait avec trois côtes fêlées et des poursuites judiciaires. En effet, si les témoins de la scène racontaient que la jeune fille n’avait pas regardé en traversant, ils ajoutaient tous que le conducteur du véhicule, qui avait renversé Lisa Gautier, roulait à plus de 50 km/h. Pierre fulminait. Non seulement son assurance allait devoir tous prendre en charge mais en plus il risquait de se voir infliger, au maximum, une peine de cinq ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros.

         Il téléphona à Mathilde et lui raconta sa mésaventure, geignant sur son sort et lui ordonnant de rentrer pour s’occuper de lui. A sa grande surprise, Mathilde lui raccrocha au nez après l’avoir traité de « monstre sans cœur » parce qu’il n’avait pas eut un mot pour cette gamine tuée dans l’accident. Mais que lui importait cette môme responsable de tous ces malheurs et qu’il ne connaissait même pas. Décidément, il ne comprendrait jamais rien aux femmes ! Un gamine les foutait dans le pétrin jusqu’au cou et c’était elle qu’il fallait pleurer ! Non, mais vraiment il aurait tout vu !

         Pierre fit appelle au plus grand cabinet d’avocat de Paris pour le défendre. Mais malgré toutes les recommandations de son avocat, celui-ci ne fit que se plaindre pendant tout le procès, ne pensant qu’à lui et rendant responsable la jeune Lisa Gautier, comme il avait appris qu’elle se nommait pendant son procès, de tous ses malheurs. Devant un tel comportement, écœuré, le juge le condamna à la peine maximale, regrettant de ne pouvoir aller au-delà.

         Pierre quitta donc le tribunal menottes aux poignets en direction de la prison. Il ne passa pas par la case maison et perdit 75 000 euros. Puis il fit connaissance avec ses nouveaux compagnons qui estimèrent qu’ils devaient apprendre le respect à cet imbécile. Il avait tué une môme et il osait se plaindre de son sort ! Ils allaient lui en donner des raisons de se plaindre. Quant aux gardiens, ils avaient systématiquement affaire ailleurs, lorsque Pierre se faisait coincé et tabassé. En prison, la première année, il tira très souvent la carte infirmerie ainsi que la carte isolements, au vu de son sale caractère. Puis il se fît tout petit, oubliant presque d’exister. Ensuite, il tira la carte divorce, la carte vente de la maison pour partage des biens maritaux et à sa sortie la carte chômage. 

         Dix ans après l’accident, la douce Mathilde croisa dans la rue un sans domicile fixe faisant la manche devant une grande surface. Elle déposa quelques pièces dans sa main, sans reconnaitre l’homme qui avait partagé sa vie pendant plus de dix ans.


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