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Monsieur
et Madame Legrand habite au 32 de la rue Bric à Brac. Ils ont emménagé par un
beau jour de printemps. Comme la tradition l’exige, Monsieur Legrand a fait
passer le pas de la porte à son épouse en la portant dans ses bras.
L’appartement qu’ils venaient d’acheter, pour une poignée de cerises, était
très spacieux, bien situé, lumineux et avec une jolie vue sur le parc. Bien sûr, vue le prix
dérisoire de cette acquisition, vous vous doutez bien qu’il y avait un loup (au
sens figuré bien évidemment !), en fait juste une porte qu’il ne fallait
jamais ouvrir, sous aucun prétexte. Evidemment, les Legrand avaient rit sous
cape des superstitions de la rue Bric à Brac et de l’agent immobilier.
Mais
tout de même, il y avait quelque chose d’étrange avec cette porte. D’abord elle
n’avait pas le même aspect que les autres, ensuite on avait le sentiment de la
voir sourire, de ces sourires étranges, mauvais, qui ne présagent rien de bon
et qui vous met un frisson glacé dans le dos. Et enfin, en passant près d’elle,
on avait l’impression de l’entendre vous appeler pour que vous l’ouvriez et
parfois même, on pouvait la sentir vibrer comme si elle cherchait à s’ouvrir
toute seule. Cette porte se situant au fond d’un long couloir, monsieur et
madame Legrand avaient pris l’habitude de l’éviter, tout simplement.
L’appartement était suffisamment grand pour qu’ils n’aient pas besoin des
pièces du fond.
Il
vivait là, dans leur nid douillet, sur le petit nuage rose de leur amour. Et
pour compléter ce bonheur parfait, la venue au printemps suivant de la petite
Lili Legrand ajouta à leur félicité. Madame Legrand s’émerveillait du moindre
mouvement de son bébé et Monsieur Legrand, caméra au poing, ne manquait rien de
tous ces évènements.
Vers
dix mois la petite Lili, commença à s’accrocher à tous ce qu’elle trouvait pour
se tenir debout, sous les applaudissements de sa maman et le sourire soucieux
de son papa. Qu’allait-il arriver quand Lili saurait marcher ? Le samedi suivant,
monsieur Legrand fonça au rayon bricolage et revint avec une barrière pour
enfant qu’il installa aussitôt. Quand Lili marcha pour ses un an, la barrière
l’empêcha d’atteindre la porte mystérieuse qui depuis sa naissance ne cessait
de murmurer son nom à son oreille, de façon à ce qu’elle seule puisse l’entendre.
Lili
grandit sereinement, dans un foyer aimant et une porte mystérieuse qui avait
cessé de susurrer à son oreille.
A sept ans, Lili était
une enfant sage et obéissante, mais comme tous les enfants, elle avait une
imagination fertile et surtout une curiosité insatiable. Qu’y avait-il derrière
cette porte ? Un dragon cracheur de feu, une sorcière et son balai,
un lutin prisonnier, une fée en danger… Et Lili se voyait ouvrir la porte et
délivrer le pauvre petit être en danger.
C’est
là que les ennuis commencèrent pour la famille Legrand. Lili voulait ouvrir la
porte et elle commença à braver l’interdiction. Elle enjamba la petite
barrière. Alors Monsieur Legrand en installa une plus grande, mais Lili
l’escalada. Heureusement pour les Legrand, une latte de parquet grinçait devant
la porte et prévenait la famille des avancées de Lili. Monsieur Legrand enleva
la barrière et mis, en hauteur, un verrou à la porte. Bien sûr, une nuit, Lili
traina une chaise jusqu’à la porte pour ouvrir le verrou. Heureusement, madame
Legrand prise d’une envie présente, fort à propos, arrêta sa fille juste avant
qu’elle n’ouvre cette foutue porte. Cette fois, monsieur Legrand mis un verrou
avec une clef. S’en était finit des espoirs de Lili d’aller sauver le monde. Pourtant, rien n’est
plus tenace qu’un enfant ! Lili se transforma donc en agent secret et
commença par surveiller ses parents, pour noter leurs habitudes, leurs va et
vient et surtout pour découvrir le secret ultime, où se trouvait la clef du
verroux de la porte mystérieuse.
Cela
lui pris plusieurs mois, mais un jour elle était fin prête. Elle savait où
trouver la clef. Un plan de récupération était en place. Elle connaissait sur
le bout des doigts les heures de coucher de ses parents. Et surtout la moindre
latte de parquet qui grinçait. Une nuit, Lili se leva sans bruit, entra dans la
chambre de ses parents, alla jusqu’à la table de nuit de son père et sans bruit
l’ouvrit pour en récupérer la clef. Toujours sans bruit, elle quitta leur
chambre, pris au passage une chaise dans la cuisine et se dirigea vers le fond
du couloir. Arrivée devant la porte, elle fit attention à ne pas poser les
pieds sur la latte grinçante, déposa doucement la chaise, y grimpa et lentement
fit tourner la clef dans le verrou, qu’elle ouvrit sans difficulté. Lili
descendit de la chaise et la décala pour pouvoir ouvrir la porte.
Ça
y était, elle allait enfin entrer, enfin savoir. Son cœur se mit à battre plus
vite. Elle mit la main sur la poignée de la porte et la fit tourner doucement.
Elle ouvrit lentement la porte et découvrit un magnifique escalier de pierres
blanches et une rambarde sculptée. Une jolie mélodie venait des profondeurs de
l’escalier, attirante, envoutante. Lili commença à descendre lentement
l’escalier subjuguée par la musique quand une main se posa sur son épaule et
l’arrêta net dans sa descente. Elle se sentit happée par des bras musclés et en
moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Lili se retrouva de nouveau en haut
de l’escalier, sous le regard furieux de son père qui venait de la reposer à
terre. Lili fut consignée dans sa chambre et à peine un mois après cet
incident, la famille Legrand déménageait loin de la rue Bric à Brac.
L’histoire
aurait pût se finir ainsi mais bien évidement l’appartement fût de nouveau mis
en vente. Les familles qui achetaient cet appartement, ne restaient jamais bien
longtemps.
Un
jour un jeune couple entra dans l’appartement. Comme la tradition le voulait,
Jacques Breton portait dans ses bras sa femme Lili Breton, alias Lili Legrand.
Lili avait tout oublié de cette histoire de porte mystérieuse, tout ce qu’elle
se rappelait, c’était d’avoir été heureuse dans cet appartement lorsqu’elle
était enfant.
Très
vite, le jeune couple trouva qu’il y avait quelque chose d’étrange avec la
porte au fond du couloir. D’abord elle n’avait pas le même aspect que les
autres, ensuite on avait le sentiment de la voir sourire, de ces sourires
étranges, mauvais, qui ne présagent rien de bon et qui vous met un frisson
glacé dans le dos. Et enfin, en passant près d’elle on avait l’impression de
l’entendre vous appeler, pour que vous l’ouvriez.
Alors
peu à peu, les souvenirs remontèrent à la mémoire de Lili. Son escapade
nocturne, le grand escalier blanc, et cette musique envoutante, qui vous
attirait on ne sait où. Comme tous les jeunes couples, jacques et Lili ne
roulaient pas sur l’or. Impossible pour eux d’acheter un autre appartement,
même en revendant celui-ci. Ils décidèrent donc de condamner la porte, bien
avant d’avoir des enfants. Jacques alla au rayon bricolage et acheta des
plaques de contre plaqué. Le mieux était d’emmuré cette chose.
Après
cela, le jeune couple n’entendit plus jamais de murmure venant de la porte. Ils
trinquèrent à leur réussite et les bulles de mousseux aidant surement, neuf
mois plus tard, Lili donnait naissance à Kévin. Une fois sortie de l’hôpital,
on installa Kévin dans sa jolie chambre bleue. Il était le seul à entendre un
cœur qui battait doucement et une voix qui disait : « Viens Kévin, je
t’attend ».
Si
vous voulez savoir ce qu’il y a derrière cette porte, je vous rappelle
l’adresse : le 32 de la rue Bric à Brac. L’appartement est sûrement en
vente ou le sera sous peu. Personne ne reste dans cet appartement bien
longtemps.
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