vendredi 11 octobre 2019

DERRIERE LA PORTE


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 Photo trouvée ici

Monsieur et Madame Legrand habite au 32 de la rue Bric à Brac. Ils ont emménagé par un beau jour de printemps. Comme la tradition l’exige, Monsieur Legrand a fait passer le pas de la porte à son épouse en la portant dans ses bras. L’appartement qu’ils venaient d’acheter, pour une poignée de cerises, était très spacieux, bien situé, lumineux et avec une jolie vue sur le parc. Bien sûr, vue le prix dérisoire de cette acquisition, vous vous doutez bien qu’il y avait un loup (au sens figuré bien évidemment !), en fait juste une porte qu’il ne fallait jamais ouvrir, sous aucun prétexte. Evidemment, les Legrand avaient rit sous cape des superstitions de la rue Bric à Brac et de l’agent immobilier.
Mais tout de même, il y avait quelque chose d’étrange avec cette porte. D’abord elle n’avait pas le même aspect que les autres, ensuite on avait le sentiment de la voir sourire, de ces sourires étranges, mauvais, qui ne présagent rien de bon et qui vous met un frisson glacé dans le dos. Et enfin, en passant près d’elle, on avait l’impression de l’entendre vous appeler pour que vous l’ouvriez et parfois même, on pouvait la sentir vibrer comme si elle cherchait à s’ouvrir toute seule. Cette porte se situant au fond d’un long couloir, monsieur et madame Legrand avaient pris l’habitude de l’éviter, tout simplement. L’appartement était suffisamment grand pour qu’ils n’aient pas besoin des pièces du fond.

Il vivait là, dans leur nid douillet, sur le petit nuage rose de leur amour. Et pour compléter ce bonheur parfait, la venue au printemps suivant de la petite Lili Legrand ajouta à leur félicité. Madame Legrand s’émerveillait du moindre mouvement de son bébé et Monsieur Legrand, caméra au poing, ne manquait rien de tous ces évènements.
Vers dix mois la petite Lili, commença à s’accrocher à tous ce qu’elle trouvait pour se tenir debout, sous les applaudissements de sa maman et le sourire soucieux de son papa. Qu’allait-il arriver quand Lili saurait marcher ? Le samedi suivant, monsieur Legrand fonça au rayon bricolage et revint avec une barrière pour enfant qu’il installa aussitôt. Quand Lili marcha pour ses un an, la barrière l’empêcha d’atteindre la porte mystérieuse qui depuis sa naissance ne cessait de murmurer son nom à son oreille, de façon à ce qu’elle seule puisse l’entendre.
Lili grandit sereinement, dans un foyer aimant et une porte mystérieuse qui avait cessé de susurrer à son oreille.
A sept ans, Lili était une enfant sage et obéissante, mais comme tous les enfants, elle avait une imagination fertile et surtout une curiosité insatiable. Qu’y avait-il derrière cette porte ? Un dragon cracheur de feu, une sorcière et son balai, un lutin prisonnier, une fée en danger… Et Lili se voyait ouvrir la porte et délivrer le pauvre petit être en danger.
C’est là que les ennuis commencèrent pour la famille Legrand. Lili voulait ouvrir la porte et elle commença à braver l’interdiction. Elle enjamba la petite barrière. Alors Monsieur Legrand en installa une plus grande, mais Lili l’escalada. Heureusement pour les Legrand, une latte de parquet grinçait devant la porte et prévenait la famille des avancées de Lili. Monsieur Legrand enleva la barrière et mis, en hauteur, un verrou à la porte. Bien sûr, une nuit, Lili traina une chaise jusqu’à la porte pour ouvrir le verrou. Heureusement, madame Legrand prise d’une envie présente, fort à propos, arrêta sa fille juste avant qu’elle n’ouvre cette foutue porte. Cette fois, monsieur Legrand mis un verrou avec une clef. S’en était finit des espoirs de Lili d’aller sauver le monde. Pourtant, rien n’est plus tenace qu’un enfant ! Lili se transforma donc en agent secret et commença par surveiller ses parents, pour noter leurs habitudes, leurs va et vient et surtout pour découvrir le secret ultime, où se trouvait la clef du verroux de la porte mystérieuse.
Cela lui pris plusieurs mois, mais un jour elle était fin prête. Elle savait où trouver la clef. Un plan de récupération était en place. Elle connaissait sur le bout des doigts les heures de coucher de ses parents. Et surtout la moindre latte de parquet qui grinçait. Une nuit, Lili se leva sans bruit, entra dans la chambre de ses parents, alla jusqu’à la table de nuit de son père et sans bruit l’ouvrit pour en récupérer la clef. Toujours sans bruit, elle quitta leur chambre, pris au passage une chaise dans la cuisine et se dirigea vers le fond du couloir. Arrivée devant la porte, elle fit attention à ne pas poser les pieds sur la latte grinçante, déposa doucement la chaise, y grimpa et lentement fit tourner la clef dans le verrou, qu’elle ouvrit sans difficulté. Lili descendit de la chaise et la décala pour pouvoir ouvrir la porte.
Ça y était, elle allait enfin entrer, enfin savoir. Son cœur se mit à battre plus vite. Elle mit la main sur la poignée de la porte et la fit tourner doucement. Elle ouvrit lentement la porte et découvrit un magnifique escalier de pierres blanches et une rambarde sculptée. Une jolie mélodie venait des profondeurs de l’escalier, attirante, envoutante. Lili commença à descendre lentement l’escalier subjuguée par la musique quand une main se posa sur son épaule et l’arrêta net dans sa descente. Elle se sentit happée par des bras musclés et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Lili se retrouva de nouveau en haut de l’escalier, sous le regard furieux de son père qui venait de la reposer à terre. Lili fut consignée dans sa chambre et à peine un mois après cet incident, la famille Legrand déménageait loin de la rue Bric à Brac.
L’histoire aurait pût se finir ainsi mais bien évidement l’appartement fût de nouveau mis en vente. Les familles qui achetaient cet appartement, ne restaient jamais bien longtemps.
Un jour un jeune couple entra dans l’appartement. Comme la tradition le voulait, Jacques Breton portait dans ses bras sa femme Lili Breton, alias Lili Legrand. Lili avait tout oublié de cette histoire de porte mystérieuse, tout ce qu’elle se rappelait, c’était d’avoir été heureuse dans cet appartement lorsqu’elle était enfant.
Très vite, le jeune couple trouva qu’il y avait quelque chose d’étrange avec la porte au fond du couloir. D’abord elle n’avait pas le même aspect que les autres, ensuite on avait le sentiment de la voir sourire, de ces sourires étranges, mauvais, qui ne présagent rien de bon et qui vous met un frisson glacé dans le dos. Et enfin, en passant près d’elle on avait l’impression de l’entendre vous appeler, pour que vous l’ouvriez.
Alors peu à peu, les souvenirs remontèrent à la mémoire de Lili. Son escapade nocturne, le grand escalier blanc, et cette musique envoutante, qui vous attirait on ne sait où. Comme tous les jeunes couples, jacques et Lili ne roulaient pas sur l’or. Impossible pour eux d’acheter un autre appartement, même en revendant celui-ci. Ils décidèrent donc de condamner la porte, bien avant d’avoir des enfants. Jacques alla au rayon bricolage et acheta des plaques de contre plaqué. Le mieux était d’emmuré cette chose.
Après cela, le jeune couple n’entendit plus jamais de murmure venant de la porte. Ils trinquèrent à leur réussite et les bulles de mousseux aidant surement, neuf mois plus tard, Lili donnait naissance à Kévin. Une fois sortie de l’hôpital, on installa Kévin dans sa jolie chambre bleue. Il était le seul à entendre un cœur qui battait doucement et une voix qui disait : « Viens Kévin, je t’attend ».
Si vous voulez savoir ce qu’il y a derrière cette porte, je vous rappelle l’adresse : le 32 de la rue Bric à Brac. L’appartement est sûrement en vente ou le sera sous peu. Personne ne reste dans cet appartement bien longtemps.

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